lundi 10 août 2009

L'arbre le temps


Tout à l'heure, je faisais du ménage dans ma bibliothèque. C'est avec émotion que j'ai relu des passages d'un très beau livre du poète français Roger Giroux (1925-1974): L'arbre le temps édité au Mercure de France en 1964. Seul L'arbre le temps fut publié de son vivant. Ses autres livres sont posthumes. Il avait volontairement décidé de ne plus publier. Voici un poème que j'aime beaucoup:

"Un oiseau, lorsqu'il va, sur la mer,
Porter mémoire de la terre à la limite de ce jour
De lumière et d'amour, un oiseau...

Comment dire cela sans défaire l'ouvrage
Des yeux, des mains, et de tout le visage,
Et sans briser en nous l'oiseau et le langage...
Comment dire cela sans rougir, et se taire?

Toute oeuvre est étrangère, toute parole absente,
Et le poème rit et me défie de vivre
Ce désir d'un espace où le temps serait nul.
Et c'est don du néant, ce pouvoir de nommer

Un oiseau, lorsqu'il va, sur la mer, comme on respire,
Cet instant qui ne dure que pour mourir, là-bas,
Depuis le commencement du monde jusqu'au dernier naufrage,
Et peut-être plus loin, vers la dernière étoile,
La première parole, ô comment dire cela..."

Roger Giroux, L'arbre le temps, p. 37

lundi 3 août 2009

Tous les horizons


Je viens de terminer la lecture d'une petite plaquette de poésie de Rainer Maria Rilke, tout juste réimprimée chez Actes Sud: Le livre de la pauvreté et de la mort. Voici un extrait:

"Que je sois le veilleur de tous tes horizons...
Permets à mon regard plus hardi et plus vaste
d'embrasser soudain l'étendue des mers.
Fais que je suive la marche des fleuves
afin qu'au-delà des rumeurs de leurs rives
j'entende monter la voix silencieuse de la nuit.

Conduis-moi dans tes plaines battues de tous les vents
où d'âpres monastères ensevelissent entre leurs murs,
comme dans un linceul, des vies qui n'ont pas vécu..." (p. 18-19)